RSE : de la contrainte à la fierté collective

François Gemenne, Co-auteur du sixième rapport du GIEC et enseignant à Sciences Po Paris
François Gemenne, expert des questions environnementales, voit la transition écologique comme une formidable opportunité. Il plaide pour une approche pragmatique, démontrant concrètement l’impact des initiatives RSE. Plutôt que de la percevoir comme une contrainte, il encourage les entreprises à embrasser cette transformation pour devenir des moteurs de changement. Dans un contexte d’instabilité, cet engagement est essentiel pour tracer un chemin clair et transformer cette transition en une réussite collective.
Depuis plusieurs années, j’observe une évolution positive des pratiques RSE dans les entreprises. Si la transition écologique est encore vue par certains comme une contrainte, elle représente en réalité une opportunité unique de transformation. En redéfinissant leur rôle dans la société, et en s’engageant dans des démarches concrètes, les entreprises peuvent non seulement répondre aux enjeux environnementaux, mais aussi renforcer leur compétitivité et leur attractivité. Mais pour réussir cela, elles doivent dépasser les visions idéologiques pour ancrer la RSE dans une logique pragmatique.
De l’économie du “plus” à l’économie du “mieux”
Ce qui relevait autrefois d’une quête de bonne conscience s’intègre désormais au cœur des stratégies. Ce changement reflète les attentes grandissantes des parties prenantes : collaborateurs, clients, mais aussi investisseurs. Les jeunes talents privilégient désormais des emplois porteurs de sens, et les consommateurs optent pour des produits et services plus durables. Je suis persuadé que les entreprises qui s’adaptent à cette économie du “mieux” obtiennent un avantage concurrentiel certain. Au contraire, celles qui tardent à s’engager risquent de perdre peu à peu leur compétitivité et leur pertinence dans l’économie de demain. C’est en ce sens que la directive CSRD représente une avancée majeure : en ajoutant une comptabilité qualitative à la comptabilité quantitative traditionnelle, elle redéfinit profondément le rôle de l’entreprise dans la société en intégrant des critères qui vont au-delà du seul résultat financier.
Réinvention et pragmatisme
L’histoire montre que seules les entreprises capables de se réinventer survivent aux grandes mutations. Shell vendait autrefois des coquillages de collection avant de devenir un géant pétrolier. Nokia, connue pour ses téléphones, fabriquait des bottes en caoutchouc, et Nintendo produisait des cartes à jouer avant de révolutionner le jeu vidéo. Les leaders de la RSE d’aujourd’hui seront les locomotives de l’économie du 21ème siècle, plus durable et circulaire. Certes, transformer les grandes entreprises est complexe et parfois lent, mais c’est un levier majeur pour réussir la transition.
Dans un contexte d’instabilité politique croissante et de poussées populistes en Europe comme aux États-Unis, cette transformation est d’autant plus cruciale. La transition a besoin d'un cap clair et c'est là où l'engagement des grandes entreprises va être plus important que jamais, parce que c'est souvent cet engagement qui va permettre de tracer un cap clair. Longtemps perçues comme “les ennemis” de la transition, ces entreprises peuvent devenir les principaux acteurs du changement.
C’est indéniable. Le coût des investissements, l’incertitude régnante et l’instabilité politique peuvent freiner les projets, mais ce qui m’inquiète le plus est l’idéologisation excessive de cette thématique. Les entreprises craignent de s’engager, de peur d’être perçues comme politisées ou partisanes. Or, il est vital de repositionner la RSE dans une logique pragmatique et rationnelle : on n’adopte pas une démarche RSE pour faire plaisir ou par idéologie, mais bien parce que c’est dans l’intérêt de l’entreprise ! Cette approche nécessite de démontrer par des preuves concrètes l’impact des actions engagées sur la performance. Il n’y a pas de RSE, il n’y a que des preuves de RSE !
Donner du sens à la transition
La conviction des dirigeants est déterminante pour inscrire la RSE dans les priorités de l'entreprise. Leur rôle est de porter cette vision et de l’incarner dans des actions concrètes. Fixer des objectifs lointains, comme 2050, sans étapes intermédiaires, est un non-sens. C’est pour cela qu’il est important de fixer une trajectoire claire avec des objectifs à court terme : avancer pas à pas en fêtant les victoires, même minimes, permet de montrer que la transition est à portée de main et donne envie de s’impliquer pleinement. La transition devient alors un formidable projet collectif. Même dans des secteurs comme l’énergie, le transport ou le BTP, où certains se sentaient “partie du problème”, elle offre aux collaborateurs l’opportunité de devenir acteurs de la solution. Ils peuvent ainsi être fiers de contribuer à cette économie du “mieux”, tout en assurant la performance de leur entreprise.
Avancer plus vite et avec confiance
Nous avançons, mais pas assez vite. Trop souvent, nous doutons de notre capacité à réussir cette transition, comme si le défi nous dépassait, à l’image des Jeux Olympiques que l’on pensait hors de portée. Pourtant, des exemples concrets prouvent le contraire. Le cas de Dunkerque est emblématique. Autrefois marquée par un déclin économique et social, cette ville a fait de la transition écologique le pilier de son redéploiement industriel. En dix ans, la ville a généré 20 000 nouveaux emplois, attiré de nombreuses entreprises et revitalisé son tissu. Ce cas illustre parfaitement qu’ambition environnementale et dynamisme économique peuvent aller de pair. À nous d’y croire, d’investir davantage et d’accélérer pour transformer ce défi en réussite collective.
François Gemenne
Spécialiste de la géopolitique de l'environnement et des migrations.
Enseignant à Sciences Po Paris, HEC Paris et Directeur de l'Observatoire Hugo à l'Université de Liège, il est aussi engagé dans de nombreuses initiatives. Il préside la Fondation pour la Nature et l'Homme, l'Alliance pour la Décarbonation de la Route - réunissant société civile, collectivités territoriales et grandes entreprises -, et l'ONG Climate Voices agissant sur le terrain de l'éducation. Son dernier ouvrage, L'écologie n'est pas un consensus : Dépasser l'indignation, a été publié en novembre 2022 aux éditions Fayard.

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