La transformation du couple
Dix millions de Français sont célibataires, soit 16 % de la population contre 6% au début des années 1960. La hausse est donc forte et elle n'est pas cantonnée à la France. D'après les données du site ourworldindata.org, aux États-Unis, la part des adultes qui vivent seuls à doublé en 50 ans*. Dans la plupart des pays, cette part est restée inférieure à 10% jusqu'au XIXe siècle. Au siècle de Louis XIV, le célibat était rare, réservé aux aristocrates. Il a commencé à augmenter au XXe siècle, avant d'accélérer dans les années 1960. C'est dans les pays du Nord qu'on dénombre le plus grand nombre de célibataires (et en Asie émergente qu'on en compte le moins).
* Esteban Ortiz-Ospina, The rise of living alone: how one-person households are becoming increasingly common around the world, ourworldindata.org, 10 décembre 2019.
La société change
D'après les études du Centre d'observation de la société, l'augmentation du nombre de célibataires s'explique par quatre facteurs.
- Premièrement, l'allongement de la durée des études entraîne une augmentation du nombre de jeunes qui vivent seuls, une proportion multipliée par deux depuis les années 1960.
- Deuxièmement, on note une instabilité croissante des couples avec, notamment, une augmentation structurelle des divorces. Les membres d'un couple qui éclate ne retrouvent pas systématiquement un conjoint dans l'immédiat.
- Troisièmement, l'allongement de l'espérance de vie entraîne une augmentation du nombre de personnes veuves, particulièrement chez les femmes puisqu'elles vivent en moyenne un peu plus longtemps que les hommes. Plus de 50 % des femmes de plus de 80 ans vivent aujourd'hui seules.
- Quatrièmement, il existe une part de la population qui choisit de rester célibataire, mais elle reste secondaire et ne varie pas beaucoup.
Toujours d'après le Centre d'observation de la société, à 55 ans, seuls 8% des individus des générations de 1948 à 1957 n'ont jamais vécu en couple. La part des personnes n'ayant jamais vécu en couple à 35 ans est la même pour cette génération et celle née entre 1968 et 1977 (12-13 %). On confond souvent baisse du mariage et augmentation d'un célibat voulu. En cette époque individualiste, on refuserait la charge d'un enfant et les contraintes de la vie en couple. Ce n'est pas ce que révèlent les chiffres. Ce n'est pas la vie en couple qui s'effondre, mais le mariage qui cède la place aux unions libres et à de nombreux changements de partenaires. C'est le contrat qui est rejeté, pas la perspective de la vie à deux.
Tout est une question de valeurs
Pour comprendre l'évolution du couple, on peut se tourner vers un calcul coût-avantage qui repose sur une comparaison entre, d'une part, le gain monétaire et la satisfaction psychique de vivre en couple et, d'autre part, les désagréments et les coûts de la vie à deux. Quand les aspects négatifs de la vie à deux l'emportent sur les aspects positifs, et que la différence compense le coût de la séparation, il faut divorcer.
Encore faut-il être capable d'estimer correctement les gains et le coûts de la vie à deux. Dans la catégorie des gains monétaires, on trouve la division et la spécialisation des tâches à l'intérieur du foyer (l'un cuisine, l'autre fait le ménage), la mutualisation des risques comme le chômage ou la maladie, et la mise en commun des fonds pour acheter un logement et des biens durables. Le couple n'est pas qu'une addition de ressources et de coûts. C'est un générateur d'économies d'échelle car certaines dépenses, comme l'électroménager ou l'automobile, sont mises en commun.
Cette analyse théorique caricaturale a néanmoins des implications pratiques profondes. Les avantages économiques mettent du temps à se matérialiser. il faut apprendre à se connaître et développer des compétences. Il faut donc s'accoupler à quelqu'un qu'on aime pour être certain de rester assez longtemps avec. Les membres du couple doivent partager des valeurs communes, presque une sorte d'objet social : voyager, s'ouvrir, éduquer des enfants, réussir... Un couple doit reposer sur un projet, même très large.
Cultiver les équilibres
Vivre en couple est avantageux si les tâches sont équitablement réparties. Que la femme soit spécialisée dans les fonctions domestiques et l'homme dans les loisirs n'est pas seulement condamnable moralement : c'est idiot et intenable. Cela conduit à un "déséquilibre de bien-être" au sein du couple et, finalement, au désastre.
Il ne faut jamais dans un couple que le bonheur de l'un éclipse la mélancolie de l'autre sans l'apaiser. les travaux de l'économiste Claudia Senik montrent que les divergences de bien-être en les membres du couple sont prédictives de divorce*. On peut être heureux à deux ou malheureux à deux. Mais quand l'un des deux accapare le bonheur et que l'autre s'enfonce dans la tristesse, la vie à deux n'est plus possible.
* Claudia Senik, Cahit Guyen, Holger Stichnoth, You can't be happier than your wife, Journal of Economic Behavior and Organization, avril 2012.
Pour un couple fidèle et durable
Le couple est l'unique structure qui fournit le sentiment d'irremplaçabilité, la sécurité et l'autonomie, trois sentiments particulièrement recherchés aujourd'hui. Ainsi, contrairement à ce que craignent les antimodernes, notre époque non seulement n'affaiblit pas le couple, mais renforce son intérêt. Dans un monde chahuté, le couple et la famille sont un refuge. La sécurité, c'est garantir à l'autre son aide financière et psychique quand il en aura besoin, sans condition. l'autonomie, c'est laisser l'autre vivre sa vie. Les valeurs dans le couple sont communes, mais chacun doit avoir voix au chapitre et chacun doit pouvoir faire vivre ces valeurs comme il l'entend.
Les relations doivent s'appuyer sur la confiance et non sur le contrôle. Ne regardez jamais les messages sur le téléphone de votre conjoint. Vivre avec l'autre, c'est décider de lui faire confiance.
Le couple fidèle et durable reste un idéal-type sans doute inatteignable mais qui correspond à la version la plus élevée de nos vies intimes. Contrairement à ce que croient nos conservateurs, il est plus que jamais nécessaire et plébiscité.
Nicolas Bouzou
Économise et essayiste
Nicolas Bouzou est un économiste et essayiste français. Il a fondé le cabinet de conseil Asterès en 2006, qu'il dirige depuis, et est directeur d'études au sein du MBA Law & Management de l'Université de Paris II Assas. Il a également créé le Cercle de Belém, qui rassemble des intellectuels européens libéraux et progressistes. il est régulièrement publié dans la presse françaises et étrangère. Nicolas Bouzou est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages. Ses deux derniers sont Sagesse et folie du monde qui vient, co-écrit avec Luc Ferry et publié en 2019 aux Éditions XO et L'amour augmenté, publié en 2020 aux Éditions de l'Observatoire.
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