Se préparer à la crise

Tatiana Brillant et Hervé Arnaud-Joufray - Consultants en gestion de crise

Comment se préparer à faire face à des crises qui par nature se jouent des circonstances et des prédictions ? Les dommages qu'elles génèrent sont toujours un défi pour celui ou celle qui y est confronté. Certes, il existe aujourd'hui un panel très complet de plans et de procédures dédiées permettant de s'y préparer, et qui associés à la pratique régulière d'exercices toujours plus réalistes, ont indéniablement permis aux organisations de gagner en résilience. Pour autant, les crises nous rappellent que face à tout événement critique se tient un individu qui agit ou veut agir avec ses forces et ses limites, et qui doit l'espace d'un instant, être capable de faire des choix et d'en assumer les conséquences.

C'est dans les actions du quotidien que prennent naissance les compétences dont le bon usage sera décisif en situation de crise. Trois d'entre elles méritent une attention particulière.

Apprendre à pouvoir mieux gérer ses émotions

Faire face à l'inattendu et l'incertitude si caractéristique des crises peut générer des émotions fortes pouvant affecter le discernement de façon plus ou moins durable. La pratique régulière de techniques de gestion du stress doit permettre à chacun, le jour venu, de ne pas être totalement sous l'emprise de la peur ou de la résignation, en retrouvant rapidement une stabilité émotionnelle.

Résister à l'envie d'agir dans la précipitation nécessite une connaissance fine de ses propres émotions, de les avoir acceptées pour pouvoir les gérer au mieux. Parmi un large panel de méthodes, nous pouvons citer les techniques d'optimisation du potentiel (TOP®), développée par les armées depuis une vingtaine d'années, dont la pratique quotidienne d'exercices de respiration et de visualisation qui permet de garder le contrôle de ses émotions même en situations génératrices de stress et d'anxiété, afin de s'y préparer concrètement et d'en limiter l'effet de surprise.

La prise de décision en situation de crise doit pouvoir s'effectuer à l'abri des passions, afin que seuls les éléments factuels soient pris en compte dans l'analyse et les choix. À cet égard ces techniques méritent aujourd'hui toute leur place dans la préparation des équipes de crise, à fortiori celles au profit des décideurs.

Apprendre à s'écouter et à se parler

Le sentiment d'urgence, le stress, ou la fatigue peuvent dégrader la qualité de notre communication. Plus ou moins consciemment, une communication plus directive peut prendre place au nom de l'efficacité, au détriment de l'écoute des besoins de chacun, et abîmer une confiance pourtant si vitale dans ces moments. Développer la pratique d'une écoute efficace, servira plusieurs objectifs en nous permettant :

• D’optimiser nos échanges,
• De réduire le risque d'escalade (une crise dans la crise : tenter de convaincre, imposer, chercher qui a tort/qui a raison, provoquer de la colère, être dans un rapport de force...),
• De favoriser une forme d'intelligence collective, en mettant en commun des visions différentes qui peuvent générer ou produire une solution innovante issue de points de vue divers.

Parce que la crise peut générer des tensions capables de dégrader les relations au sein d'un collectif, il est d'autant plus nécessaire de savoir comment fédérer. Ainsi malgré l'urgence, il faut accepter le fait de prendre le temps de s'écouter (soi-même et les autres) ; de mettre en commun le ressenti de chacun, afin d'apaiser les tensions éventuelles et d'obtenir des positions communes sans trop de heurts. Cela suppose un effort d'attention et d'écoute, propice au développement de la confiance.

Notons également que savoir communiquer de manière apaisée et efficace n'apporte pas seulement du bien-être, mais contribue significativement à augmenter la performance de l'équipe

Renforcer l'autonomie dans la prise de décision

La gestion de crise implique souvent de devoir décider à chaud de mesures immédiates que les circonstances exigent. L'absence de validation par l'échelon supérieur pouvant retarder des actions décisives, la décentralisation de manière encadrée d'une partie des décisions est une manière simple de gagner en réactivité en favorisant les prises d'initiatives individuelles. Agir au plus vite et au plus près de la crise nécessite d'avoir pu développer au travers d'exercices une certaine aisance à pouvoir, pendant un court moment, décider de manière autonome. L'incertitude attachée aux situations de crise rend délicate toute prise de décision, aux conséquences graves en cas d'erreur d'appréciation. La confiance en soi ne se décrète pas, elle se construit au fil du temps, à la fois par l'acceptation que l'erreur est non seulement possible dans ces situations, mais qu'elle est admise et comprise dans une certaine mesure par la hiérarchie.

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Tatiana Brillant & Hervé Arnaud-Joufray

Tatiana Brillant et Hervé Arnaud-Joufray ont croisé leurs chemins lors de missions opérationnelles au sein d'unités spéciales.